Anne et Marc, Paraguay

Anne à Fe y Alegria

Après avoir repris un rythme presque normal vers la mi-juillet, je suis de nouveau en télétravail depuis le 24 août.

Nous avons reçu une bonne nouvelle : le projet que nous avons présenté à l’Union Européenne a été approuvé ! Sa mise en oeuvre devrait débuter début 2021. Au-delà de la satisfaction partagée avec mes collègues, comme une « récompense » après le travail conséquent fourni, cette « réussite » donne du sens à mon travail et l’impression d’avoir été utile, ce qui fait du bien de temps en temps !

Parallèlement, je travaille sur la rédaction de nouveaux projets, de moindre envergure ; je commence à acquérir des automatismes et à mieux comprendre ce qui est attendu. Bref, je me sens désormais à l’aise dans mon poste, même si je suis rarement autonome à 100% sur un projet car mon niveau d’espagnol nécessite des relectures, mais j’ébauche des trames, je regroupe des informations, je structure, etc… Une exception : j’ai présenté un projet en français (pour une fois !) à la Fondation UEFA pour l’enfance concernant la construction d’un terrain de sport pour des jeunes indiens guaranis.

Parfois je me vois comme une « facilitatrice », sans vraie responsabilité, mais contribuant pleinement au travail de l’équipe, d’autant que Lidia, la responsable, me sollicite souvent pour un conseil, un éclairage, etc…

Ma déception : aucune des pistes pour aller davantage « sur le terrain » ne s’est concrétisée ou n’a abouti, la faute principalement au Covid qui bouleverse tout…

J’ai néanmoins pu accompagner à plusieurs reprises des collègues qui mettent en place un projet de micro-entreprenariat féminin. J’ai assisté à plusieurs réunions avec un groupe de femmes du bañado norte extrêmement motivées. L’équipe de Fe y Alegria leur a appris à fabriquer des produits d’hygiène (alcool en gel, savon liquide… le Covid offre des opportunités à saisir !), a fourni les constituants de base et un premier débouché commercial. Fe y Alegria leur a aussi donné des rudiments comptables (calcul d’un coût de revient, d’une marge, d’un bénéfice, etc.). Ensuite, à elles de se lancer et de gérer leur micro-activité. J’ai été touchée et bluffée par ces femmes, pleines de volonté et de ténacité ; la plupart sont recicladores le matin (tri des poubelles), gèrent les enfants et la maison. L’avenir du Paraguay dépend beaucoup de ces femmes courageuses !

 

Marc au Colegio San Francisco

Des discussions en juin avec mes différentes tutelles institutionnelles pour dégager des pistes de travail possibles pour moi, seule celle conduite avec Claudio, le directeur du Colegio,a débouché. Il a ainsi sollicité quelques professeurs du Colegio avec lesquels je pourrai interagir davantage.

Ainsi, le professeur de physique Fernando, m’a demandé de faire des petites vidéos d’expériences simples d’optique (comme j’ai un petit pointeur laser !), également de corriger certains travaux des élèves. En concaténant mes enregistrements pour un cours, Fernando les a astucieusement accélérés avec son logiciel de traitement : j’ai alors eu l’impression de maîtriser l’espagnol, car mon débit était devenu artificiellement plus fluide ! Je reste cependant avec des interrogations fortes sur sa façon d’enseigner (qualité du support ; démarche explicative ; mode d’évaluation reposant sur des exercices quasi identiques à ceux qu’il présente, incitant à une recopie sans réflexion réelle à mon sens). J’ai aussi pu faire une petite vidéo pour la professeure de math.

Mais plus intéressante est l’interaction plutôt riche que j’ai avec le prof. de robotique et d’innovation technologique, Derlis, qui souhaite toujours une machine de découpe laser. Il m’a ainsi demandé d’assurer un cours sur la sécurité laser et chimique lors de l’usage d’une telle machine ! Pendant ce cours, j’étais très heureux de présenter les éléments que j’avais préparés pour les jeunes (1ère et 2èmeannée). Cependant, les résultats de mon évaluation proposée aux élèves ont un peu refroidi mon enthousiasme : bien que celle-ci me semblait simple (sous la forme d’un QCM), j’ai cru constater des limites de compréhension sur l’une des 4 questions, volontairement ouverte. D’où cela vient-il ? De mon support ? De mon langage d’ingénieur et de mon espagnol ? De leur niveau ? Du type d’enseignement par lequel ils sont façonnés ? Pas de réponse simple sans doute… Derlis, m’a ensuite bien accompagné pour faire un cours selon les standards paraguayens (en l’incluant dans son programme ; avec des indicateurs d’apprentissage notamment), cette fois sur la présentation d’une machine de découpe laser. Je lui ai proposé ce thème, ayant trouvé une bonne vidéo en espagnol et parce que cela me semblait intéressant de nourrir virtuellement la motivation des élèves, sur ces aspects pratiques, dont ils sont totalement privés avec la situation de pandémie. Nous avons rapidement convergé sur le support proposé. Mais je n’ai cependant pas pu faire encore le cours, car il n’avait pas pu être imprimé dans les temps…

J’ai ainsi quelques activités intéressantes au Colegio, même si elles restent assez limitées et fragiles dans ce contexte de plus grande précarité.

 

Vacances : dans le Chaco, Pa’i Puku…

Fin juillet, nous avons pu prendre une semaine de vacances dans le Chaco, la partie occidentale, semi désertique du pays (plus chaude, plus sèche que la partie orientale : d’où notre intérêt d’y aller en hiver!). Elle est très peu peuplée : des indigènes, des mennonites, pionniers protestants arrivés là vers 1930, et le petit monde des estancias, ces dernières bien visibles via les nombreuses vaches broutant sous les palmiers…

Fe y Alegria nous a généreusement prêté une petite voiture, toute neuve ! C’était une expérience particulière que de reprendre la conduite après 9 mois de « sevrage », sans inquiétude vis-à-vis de la circulation très chaotique d’Asunción, mais interrogeant mon rapport à la maîtrise, à la vitesse… et nous disant profitable cette expérience « sans » auto, qui nous invite à prendre le rythme de la marche, des gens simples et pauvres. Nous avons ainsi franchi le rio Paraguay, par l’unique pont au Nord d’Asunción et roulé sur la Trans Chaco qui mène à la frontière bolivienne et est une des rares routes goudronnées de cette partie occidentale (une départementale en France, mais très plane avec des tronçons très droits). Le paysage est effectivement monotone, constitué d’une sorte de savane, plus ou moins densément peuplée de palmiers (Karanda’y ou Copernicia alba, pour les spécialistes), au fut très droit et servant à la construction des maisons. Cette palmeraie a remplacé la forêt originale, défrichée.