Nos lieux de mission

Anne à Fe y Alegria et ailleurs…

Depuis mi-février, la vie de la oficina est rythmée par le Covid. Un collègue est testé positif ? Télétravail pendant 1 semaine pour tout le monde ! Ainsi ont alternées semaines en présentiel et semaines en télétravail.

J’ai moi-même été absente 3 semaines en avril pour cause de Covid. Mon retour à Fe y Alegria début mai a coïncidé avec l’ouverture d’un appel à projet d’une organisation espagnole. Je retrouve ce que j’avais apprécié l’an dernier en travaillant sur le projet pour l’Union Européenne : le plaisir du travail en équipe, un certain niveau d’exigence, le soutien à distance d’Entreculturas, un rythme stimulant avec la ‘dead line’ de l’appel à projet (25 juin).

Également début mai, l’arrivée d’une nouvelle collègue, Fatima, venant renforcer notre équipe projet. Sa présence m’aide à envisager sereinement mon départ, je lui transmets peu à peu mes dossiers, mes méthodes de travail, comme une sorte de « passation de poste » qui facilite le détachement. Je continue à m’impliquer – d’autant que je suis motivée par le projet en cours et que j’aime « finaliser » ce que j’ai commencé – mais je me détache de plus en plus… Ainsi je laisse de côté des questions du type : laisserai-je quelque chose derrière moi ? Quelle aura été l’utilité de mon travail ? etc…

Parallèlement, j’ai enfin (enfin !!) concrétisé mon désir d’une activité régulière dans le bidonville ! Les jeudis après-midi, je me rends à « Capi », petit centre de soutien scolaire du bañado Sur, pour des enfants du primaire. Située, non loin de la décharge de Cateura, Capi est gérée par des sœurs du Sacré Cœur – majoritairement chiliennes et assez âgées – et soutenue financièrement par l’équipe CVX avec qui je suis en lien. Ce soutien financier permet de payer le salaire de la maitresse, d’entretenir les locaux, d’acheter du matériel scolaire et d’organiser des sorties en dehors du bidonville pour faire connaitre un autre contexte à ces enfants. Voir du beau (le jardin botanique, un musée), découvrir qu’une autre vie est possible, peut les stimuler et provoquer un déclic qui les aidera à sortir de leur milieu.

L’objectif de Capi est double :

– aider les enfants du quartier à faire leurs devoirs, à réviser et approfondir ce qu’ils ont appris à l’école.

– offrir un lieu accueillant, bienveillant et « sûr » (pendant ce temps, ils ne sont pas dans la rue) ; un lieu ou apprendre la confiance en soi, le respect, la propreté.

 

Marc au Colegio San Francisco et … plutôt ailleurs

La jeune bachelière du bañado Sur, Majo, que j’accompagne, a réussi son examen d’entrée à la faculté de sciences mi-février. Nous n’y croyions quasiment pas, il s’agissait d’un ‘petit miracle’… qui a sa part d’explications ! En effet, elle n’a pas été admise lors de l’épreuve initiale, son résultat était plutôt bien inférieur à la note requise. Mais Majo est très volontaire. Elle s’est alors inscrite à la session complémentaire qui se déroulait une semaine plus tard et a alors été admise. La voilà donc en 1ère année de licenciatura en tecnología de producción. Elle suit, depuis, l’ensemble de ses 7 matières à distance, ce qui est une difficulté supplémentaire pour elle, outre le changement fac/lycée et son niveau qui à mes yeux reste faible. J’ai proposé de l’aider dans 4 matières, en continuant d’accompagner 2 autres femmes du bañado, pour les aider à passer leur examen de math afin d’être admises également à la fac, cette fois dans une filière de sciences sociales. Elles sont plus âgées, environ 30 ans, mères de famille, et travaillent comme auxiliaires scolaires. L’une d’elle a arrêté car elle n’avait pas les moyens pour payer l’ensemble des papiers nécessaires à son inscription, son mari ne travaillant pas. L’autre passe en ce moment les épreuves.

Au Colegio, j’ai pu assurer quelques cours en février-mars en présentiel, avec Derlis, dans son cours d’innovation technologique. Depuis, la majeure partie des classes a lieu à distance. J’interviens de temps en temps, toujours dans ces mêmes cours, content d’avoir arrêté mes apports avec le prof de physique dont je ne supportais plus les erreurs grossières assez fréquentes (en accord avec le directeur, en lui présentant les choses un peu différemment…).

Enfin j’ai poursuivi ma participation à des sessions virtuelles de rencontres organisées en France par le MCC. J’ai progressé et me suis ainsi formé à l’animation de ’La Fresque du Climat’, cet atelier participatif qui permet de mieux appréhender en groupe le dérèglement climatique et ses enjeux (basé sur les travaux du GIEC(Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat). A mon retour en France, je compte bien continuer cette activité bénévole, sur ce thème que je documente et travaille ici…

 

2 mots : enracinement / épanouissement…

Un couple de mots pour peut-être illustrer certains des enjeux vécus dans le cadre de notre volontariat. Ce couple m’habite ‘en profondeur’ depuis longtemps, lors de la parution d’un petit article de La Vie (avril 2017), qui faisait dialoguer deux députés d’alors (des 2 côtés de l’hémicycle, LR et PS et donc avant la présidentielle) sur le besoin d’un récit national.

J’avais gardé les couples de mots suivants issus de leur dialogue : identité / émancipation, enracinement / épanouissement. Je crois me rappeler qu’avec ces mots ils donnaient des caractéristiques ou valeurs importantes voire essentielles de chacun de leurs groupes politiques en commençant par le 1er couple : l’importance du thème de l’identité pour le parti de droite et celle de l’émancipation pour le parti de gauche.

Je n’ai pas le texte avec moi, mais j’ai gardé comme mémoire de ce dialogue un glissement, justement grâce à ce dialogue entre personnes de bonne volonté, d’un 1er couple vers un autre couple de mots sur lequel ils ont convergé : enracinement / épanouissement.

Je trouve tout d’abord lumineuse cette transformation ajustée de ces mots, une sorte de transfiguration qu’a permis et qui permet un dialogue, une ouverture, peut-être en lieu et place d’une sorte de bataille de positions interdisant toute avancée, ensemble, vers un horizon commun et pour le bien de chacun. Mais c’est au prix de cet effort de dialogue, si coûteux parfois, pour chacun…

Il ne s’agit pas forcément de la nature exacte de leur dialogue, mais de ce qui était pour moi marquant et de la façon dont je l’ai compris puis fait mien et m’en suis ainsi nourri au long des jours.

Ce sont donc ces 2 mots enracinement / épanouissement qui, je crois, ont été et sont au cœur de l’enjeu de nos vies de volontaires.