A INIGO nous discernons avec les candidats au volontariat leur projet, puis nous les préparons au départ et enfin nous les envoyons à des postes qui correspondent à des besoins d’institutions locales, le plus souvent de la Compagnie ou en lien avec les jésuites, au service des populations locales – dans la conviction que des projets conduits par des locaux ont toutes les chances de viser davantage des besoins réels et de manière adéquate. Pour les encadrer, nous sommes une petite équipe, avec un responsable qui est là à plein temps, deux jésuites et toute une équipe d’anciens volontaires qui y donnent de leur temps !

L’expérience du volontariat

L’expérience d’un volontariat est celle d’un détour qui, dans beaucoup de cas, change en profondeur le volontaire et son expérience du monde. Tout l’enjeu, pour une œuvre de la Compagnie de Jésus, comme la nôtre, est que ce changement puisse être une conversion en profondeur et durable. Ce détour ne se fait pas sans crise, ou pour utiliser un mot biblique : sans épreuve.

La première de ces conditions est celle du discernement du projet du candidat au départ : les premiers entretiens et la première étape de formation visent à vérifier si une telle expérience serait bien compatible avec la dynamique de vie actuelle du candidat, si on sent une souplesse qui lui permettra de traverser les imprévus et de s’adapter à une nouvelle culture, à travailler dans un cadre institutionnel, à un désir de se mettre au service et en particulier de personnes plus pauvres, etc. Et la prière a toute sa place dans ce processus !

La seconde condition est celle de permettre au mieux l’épreuve du décalage entre déplacement intérieur et déplacement extérieur. Aujourd’hui, nous pouvons aller à l’autre bout du monde en moins de 24 heures, grâce aux miracles de la technique ! Et pourtant, prendre de nouveaux points de repères, construire de nouvelles relations, adopter de nouvelles habitudes, tout cela ne se fait pas en quelques jours. A INIGO, le volontaire passe par un temps de préparation de plus de deux mois, un temps de conversion de l’imagination et de leurs dispositions intérieures. Il s’agit de s’ouvrir non pas à ce que je pense et désire trouver dans cette expérience mais plutôt s’attendre à vivre un imprévu parfois déstabilisant – en particulier dans ce qu’on appelle le choc culturel.

La confiance comme clé de l’accompagnement

La crise est toujours différente suivant les personnes, mais elle a lieu de manière différente pour chacun. Ce temps nécessite plus ou moins d’accompagnement de la part de la communauté jésuite et de l’institution qui accueillent ou par l’équipe d’INIGO en France. Un des enjeux principaux de l’accompagnement en temps de crise, à distance, est celui de la confiance. S’il n’y a pas d’échange de paroles dans la confiance, l’accompagnement n’est pas possible. Il nous arrive parfois avec l’un ou l’autre volontaire de sentir profondément ce décalage entre la crise que nous pressentons – dans l’attitude, dans les retours qui nous sont faits par les personnes sur place, etc. – et ce qu’il nous en dit. Mais d’autres fois, des crises fortes ont pu être traversée et déboucher sur des décisions à court-terme (adaptation ou changement de poste, etc.) qui ont ensuite permis un chemin. L’établissement de ces échanges de parole en confiance est l’un des enjeux de la préparation au départ, par une connaissance mutuelle entre le volontaire et l’équipe de l’association. Cette confiance permet ensuite un accompagnement – une proximité et une présence – par-delà les kilomètres.

La relecture de mission

Le retour non plus n’est pas sans épreuve pour les volontaires : ils retrouvent un contexte qui n’est plus aussi familier puisqu’il a continué à évoluer en leur absence ; ils ont beaucoup à dire sur leur expérience, mais leurs proches sont happés par leur vie quotidienne et leur semble parfois ne pas comprendre, etc. Là aussi ils vivent l’expérience du décalage. Là aussi, pour traverser les distances et les cultures, le temps intérieur n’est pas le même que les quelques heures nécessaires au voyage. J’ai pu être surpris du nombre de mois qu’il a fallu à certains volontaires avant de sentir qu’ils s’étaient enfin posés, qu’ils se sentaient enfin rentrés. La relecture est importante pour que progressivement se décante l’essentiel de leur expérience et ce qu’ils souhaitent continuer à mettre en œuvre dans leur vie d’autres manières, à l’image de la perle précieuse de l’Évangile. Le partage entre volontaires, lors des week-ends de retour, pour se dire à quel point cette expérience les a nourris et construits, à quel point ils y sont attachés, qu’il est difficile de passer à autre chose, mais qu’il est possible pourtant que cela débouche sur d’autres projets, tout cela est important !

L’enjeu du retour est fort : en volontariat, ils ont vécu une certaine unité entre leur travail et leur foi au service de personnes plus pauvres, dans des contextes avec une simplicité de vie beaucoup plus grande, avec souvent des amitiés fortes. Ils ont ce sentiment d’y avoir vécu un essentiel. Comment le retrouver en France ou en Belgique ?

J’ai entendu cette année une volontaire dire que son expérience de volontariat a été pour elle un chemin pascal – et en particulier le retour. Elle a expérimenté, disait-elle, sous une certaine forme, un passage par la mort et la résurrection, avec le Christ. L’épreuve a été difficile et pourtant elle a débouché sur une décision forte : aller habiter dans des quartiers populaires avec un mélange fort des populations. D’autres prennent des décisions importantes à leur retour : sensibilisé aux impacts du changement climatique sur son pays de mission, un volontaire s’est engagé pour coacher la transformation des entreprises ; d’autres se sont engagés davantage auprès de réfugiés ; d’autres ont décidé de travailler aux quatre cinquième pour réserver plus de temps à des activités plus gratuites, etc. Parfois même une décision de ne pas partir en volontariat, bien discernée, peut rejoindre les mêmes profondeurs comme ce couple qui a finalement préféré se poser la question de commencer à fonder une famille.

Je retrouve dans l’accompagnement de ces parcours des enjeux que l’on peut trouver dans une retraite ignacienne : comment faire l’unité de sa vie, comment servir, comment vivre l’Évangile concrètement, etc. Dans les parcours des volontaires, nous pouvons voir que Dieu travaille les cœurs et leur fait entendre sur leur chemin son appel à vivre davantage et à servir.

par Florian Cazenave sj